Dans ce paysage corse réalisé aux crayons de couleur sur papier marouflé sur toile, Yanieb Fabre déploie une énergie graphique intense et lumineuse. Présentée en 2022 à la Fondation Marek Keller à Varsovie lors d’une exposition dédiée à Yanieb. L’œuvre se distingue par la vigueur de ses traits et la densité chromatique qui la compose. Le choix du support – un papier marouflé, renforcé par une toile – donne au dessin une matérialité palpable, tandis que le cadre classique, volontairement orné à la manière des tableaux du XIXe siècle, établit un clin d’œil assumé aux paysages impressionnistes. Fabre joue ici avec les codes traditionnels, tout en y injectant son propre langage contemporain, fait d’entrelacs, de hachures et de couches colorées qui vibrent littéralement sous le regard.

Le tableau capture un moment précis, où l’artiste, nourrie d’une grande vitalité intérieure, retranscrit avec frénésie les contours et les lumières d’un paysage corse. Les crayons de couleur, utilisés à la limite de leur capacité, tracent un maquis presque incandescent, où les violets, rouges, orangés et jaunes semblent s’enchevêtrer dans une sorte de tourbillon joyeux. Au bas du cadre, la densité sombre des traits évoque les reliefs puissants des montagnes corses, tandis que le ciel s’embrase sous la superposition minutieuse des teintes.

Ce travail, réalisé dans la durée, témoigne de l’importance du geste obsessionnel chez Yanieb Fabre : chaque couche, chaque strie porte la marque du temps passé à insister, à revenir, à saturer la surface. La juxtaposition de ce geste libre avec le formalisme du cadre doré agit comme un choc visuel, une rencontre entre deux époques, deux attitudes. Le regard est à la fois attiré par l’effervescence brute du dessin et ramené à l’ordre par l’écrin classique qui l’enferme.

L’ensemble propose ainsi un paysage vivant, traversé par une tension joyeuse, où les forces de la nature semblent dialoguer avec l’histoire de la peinture. Un hommage vibrant à la lumière méditerranéenne autant qu’à la tradition picturale, revisité par le prisme singulier de l’artiste.