- Barney Bangin
- Sans titre
- Acrylique sur toile
- 121 x 151 cm
- Inv: 19-25
Une date à la clinique d'Amata indique que Barney Wangin est né en 1920 ! Une autre date donne 1929 mais il est fort probable qu’il soit né en 1939. Barney a grandi à Pukutja, alors qu'il s'agissait d'une mission. Cette mission (et communauté aborigène) est plus connue sous le nom d'Ernabella, en Australie Méridionale mais tout proche de la frontière avec le Territoire du Nord, c’est-à-dire au coeur de l’Australie.
Il va un peu à l’école mais va vite aller travailler dans les fermes d’élevage, comme dans de nombreux aborigènes : les hommes deviennent gardiens de troupeau et s’occupent également des clôtures, tondent les moutons,… Il travaille essentiellement pour la ferme de Kenmore Park, non loin d’Ernabella.
Il vient vivre à Amata lorsque ses deux filles y emménagent. Il occupe plusieurs emplois avant de se lancer dans la carrière de peintre.
On peut décomposer les phases artistiques en deux dans cette région. Les premières expérimentations en matière de peinture sont fortement influencées par les motifs traditionnels. Peu à peu, les artistes, gagnant en expérience, sont capable de réinterpréter la tradition, ou tout au moins, d’en livrer des versions plus contemporaines dans l’aspect, de varier les couleurs et les techniques. Ainsi Barney, en vieillissant, va privilégier le travail à la brosse, les couleurs vives et les contrastes forts. C’est qu’il a compris, l’âge venant, qu’il devenait difficile pour lui de peindre avec des points fins. C’est donc avec intelligence qu’il compense en partie ses handicaps.
Il devient l’un des derniers de sa génération en vie, un homme respecté, pleinement initié, qui a parcouru un large territoire et emmagasiné de vastes connaissances.
Bientôt des initiatives spéciales voient le jour, portées par les principaux centres d’art du nord de l’Australie Méridionale. Des artistes chevronnés de la région unissent leurs forces pour raconter leurs histoires sacrées (Tjukurpa) sur de grands formats, à travers des couleurs riches et audacieuses, qui tranchent avec les œuvres du Désert Occidentales, et des représentations saisissantes de leur paysage, souvent loin des peintures austères des voisins pintupi. Barney est de cela et réalisera des œuvres collaboratives, notamment avec un autre ancien, Hector Burton. C’est un moyen de préservation des histoires anciennes, mais cela permet aussi de donner l’exemple, d’impliquer les jeunes, de leur montrer l’importance de conserver les histoires, de prendre soin des sites sacrés. Et les jeunes générations se mettent à peindre également. Barney est aussi de ceux qui sont à l’origine d’un projet : dans cette région (mais pas seulement, l’un des artistes les plus célèbres de ce mouvement, Turkey Tolson Tjupurrula, originaire du Désert Occidental, est connu pour une série mettant en scène le redressement des sagaies), les vieux peintres / initiés s’inspirent parfois des histoires de lances ou de conflits entre groupes (les Ancêtres du Temps du Rêve se sont parfois battus violemment). Pour une exposition, un jeune artiste souhaitait réunir, autour de ce thème des armes et des conflits, du combat pour un territoire, une série d’artistes, aborigènes ou non. Barney et d’autres doyens, dont Hector Burton, Ray Ken, Mick Wilkilyiri, vont jouer un rôle moteur.
Kulata Tjuta (Many Spears) est une grande exposition itinérante présentant les œuvres d’artistes aborigènes des Terres Anangu Pitjantjatjara Yankunytjatjara (APY) en Australie Méridionale. L’exposition présente d’importantes peintures et photographies ainsi qu’une installation de lances et d’outils en bois et en bronze coulé. C’est l’occasion de mesurer le parcours des artistes aborigènes sur plus de 50 ans. A partir d’un thème diffèrent, assez peu exploré, et au travers d’une installation, là aussi, une forme d’expression originale, on constate la vitalité de ce mouvement. On voit aussi que les artistes aborigènes savent se renouveler s’ils sont motivés, poussés vers des médiums nouveaux. C’est une façon nouvelle également de toucher le public. Les lances ne servent plus. Elles ne servaient pas seulement à la chasse. Les lances ont été des objets d’échange pendant des milliers d’années. Les anciens, comme Barney Wangin, ont ainsi pu montrer aux jeunes comment tailler ces lances, les redresser et les durcir sur le feu. Et symboliquement, il s’agit, comme pour pour une peinture célébrant une région et ses sites sacrés, de montrer le lien avec « son pays » et qu’il faut être prêt à le défendre et, au-delà, de défendre une culture qui pourrait disparaître très rapidement.
Il existe plusieurs installations du même type. La forme de tornade (prise par les 550 lances, disposées dans l’air) est une référence aux tourbillons qu’on voit dans le désert, les « whilly whilly » mais pas seulement. L’installation prend aussi l’apparence d’une explosion figée dans le temps et sont un rappel aux essais de bombes atomiques effectués à Emu Junction et Maralinga entre 1953 et 1963 et à la « brume noire », les nuages radioactifs qui ont provoqués de terribles conséquences. Quand un projet artistique, culturel devient également politique…
Barney meurt en 2012, sans voir la plupart des projets dont il a été l’un des initiateurs voir le jour. Mais ses œuvres sont les témoins des hommes de sa génération, peut-être les derniers à détenir d’immenses connaissances qui ont été transmises de génération en génération depuis des milliers d’années.
Collections :
Art Gallery of South Australia
Il s’inspire le plus souvent d’un thème :
Perentie Man Creation Story
Autrefois, au Temps du Rêve, les Femmes Ancestrales des montagnes Mann n'avaient qu'une pierre à moudre, grossière, donc leurs pains de graines d'herbe étaient grossiers et difficiles à manger. Leurs hommes cherchaient partout de meilleures pierres, sans succès. Un jour, Ngintaka, l'Homme Perentie (Varan), chassait loin vers l'est et entendit une Femme moudre des graines. Il réalisa que le bruit ne pouvait être produit que par une pierre fine et lisse, alors Il se rendit dans ce pays pour voler la pierre et la rapporter à son camp. Pendant plusieurs jours, il voyagea, guidé par le son, jusqu'à ce qu'il se retrouve dans le pays du peuple Nginjuri (Lézard Noir). Lorsque les gens vinrent le saluer, il ne leur dit pas la véritable raison de sa visite.
La communauté partageait sa nourriture avec lui, bien qu'il lui ait été interdit d'entrer dans le camp principal pendant des jours, la femme lui acheta de la nourriture et des gâteaux de graines faits de la meilleure farine qu'il n'avait jamais goûtée. Finalement, il entra dans le camp principal et vit la pierre à moudre. Il avait hâte de voler la pierre.
Ce soir-là, il se coupa le pied pour faire couler le sang et prétendre qu'il avait une blessure grave. Le lendemain matin, les hommes vinrent le chercher pour chasser. Il leur montra sa blessure. Ignorant sa tromperie, ils poursuivirent leur chemin. Dès qu'il se retrouva seul, il vola la meule et l'emporta avec lui. Il fit des empreintes de pas d'un petit lézard pour tromper les hommes. Il retourna à son camp pour montrer son trésor à son peuple.
Les hommes de Nginjuri avaient prévu de capturer et de tuer le voleur, mais ils étaient tellement confus car les empreintes de pas allaient dans toutes les directions qu'ils finissaient toujours par se retrouver au centre de leur propre camp. Ils avaient presque abandonné, mais un homme vit où il avait marché sur de l'herbe mouillée….
Quand Ngintaka retourna chez lui et tout le monde le remercia. Au bout d’un moment, Ngintaka devint moins méfiant, considérant que sa ruse avait parfaitement fonctionné. Il laissa la pierre près d’un point d’eau, celui d’Arana, et parti chasser. Un jour qu’il retournait vers chez lui, il entendit des hommes briser la pierre en petits morceaux. Il accouru pour se venger mais il tomba sur de nombreux hommes armés. Il tenta de s’échapper mais les hommes le poursuivirent et finirent par le tuer à l’aide de lances.
Notre toile a été peinte pour le centre d’art durant ce qu’on pourrait appeler la première phase, celle où les artistes ont peu de références. Ils ont vu très peu de peintures aborigènes des zones où les initiés aborigènes peignent depuis un moment (Désert Occidental, Yuendumu, Utopia) mais probablement aucune peintures occidentales. Ils sont libres de toute influence. Les anciens, dont Barney, vont produire des œuvres remarquables, puissantes, diffèrentes de ce qu’on a déjà vu. Il fait partie des artistes qui ouvre la voie aux autres peintres d’une zone très étendue, comprenant l’ensemble des communautés du nord de l’Australie Méridionale.
A la densité de peinture (peu diluée) donnant un effet de matière rare.