Ce codex monumental, réalisé sur plus de cinq mètres de papier calque, est une véritable plongée dans les profondeurs de l’inconscient de Yanieb Fabre. Entièrement dessiné au feutre noir et ponctué de quelques touches de lavis coloré, il constitue une œuvre obsédante, tracée quotidiennement pendant plus de six mois, dans une rigueur presque méditative.
Chaque centimètre du papier est habité. Des figures hybrides, mi-humaines mi-animales, flottent dans un espace ondulant de spirales, de cellules, de motifs végétaux et de formes organiques. L’univers de Fabre se déploie ici comme un rêve dense et ininterrompu, où les règles de la narration linéaire sont suspendues au profit d’un flux visuel libre, presque hallucinatoire.
Le choix du calque donne à l’ensemble une translucidité qui évoque le passage, la porosité entre les mondes — celui de l’intime et celui du cosmique, de la mémoire personnelle et du mythe collectif. On y croise des constellations intérieures, des scènes rituelles, des danses silencieuses. Certaines figures semblent naître d’un magma, d’autres s’y dissolvent. Il n’y a ni début ni fin, seulement une traversée, comme une respiration continue.
Le dessin devient ici un acte vital. À la fois écriture, exorcisme, exploration, ce travail relève du trance graphique. Il s’inscrit dans une tradition qui mêle les codex anciens, les cartographies mentales et les visions chamaniques. Fabre y déploie une grammaire symbolique personnelle mais universelle, dans laquelle chacun peut reconnaître ses propres rêves, peurs, et pulsions.
Ce codex, exposé partiellement ou dans sa totalité, agit comme un talisman. Il ne se contemple pas seulement : il enveloppe, aspire, convoque une forme d’hypnose sensorielle. On y entre comme dans un territoire vivant. C’est une œuvre à la fois fragile et puissante, qui résiste aux interprétations figées et invite à une lecture plurielle et intime.
- Current Location: Atelier
- Collections: Codex