- Johnny Jones Kngwarreye
- Sana titre
- Acrylique sur toile
- 77 x 126.5 cm
- Inv: 142-25
Johnny Kngwarreye naît dans la vaste étendue du désert australien, dans la communauté d’Utopia, dans les régions isolées d'Australie Centrale. Utopia est l’une des terres ancestrales des peuples aborigènes Anmatyerre (et de groupes linguistiques voisins), un lieu où les liens spirituels au pays sont aussi solides que les roches, aussi vivants que les ruisseaux qui s’assèchent avec la saison sèche. De son enfance, Johnny porte en lui les récits des an ciens : les Dreamings, les histoires de création, les cérémonies, les chants, les lieux sacrés, la faune, la flore, les formes visibles et invisibles du pay sage.
Dans sa jeunesse, il apprend les modes de vie traditionnels : comment lire le terrain, suivre les pistes, repérer l’eau, respecter le rythme des saisons, obser ver les plantes et les animaux. Ces savoirs, transmis oralement, font partie de son héritage culturel. Mais comme beaucoup d’aborigènes de sa génération, il est aussi confronté au monde extérieur — les stations de bétail (fermes d'élevage extensif), les missions, les influences coloniales, la pression sur les terres ancestrales, les bouleversements causés par la modernité.
Sa pratique artistique commence à émerger dans ce contexte où le besoin de maintenir vivant le lien au « Pays » coexiste avec les matériaux modernes. Johnny Kngwarreye utilise souvent l’acrylique sur toile, bien que son inspi ration remonte aux anciennes peintures corporelles, aux dessins dans le sable, aux motifs sacrés, aux cérémonies. Ses œuvres racontent les Rêves qui lui reviennent du patrimoine familial et communautaire — des récits du Temps du Rêve (la Genèse pour les Aborigènes), des formes de vie ances trales, des Ancêtres qui ont façonné le paysage par leurs actions, des échos des chants et cérémonies. La très grande majorité de ses compositions s'ins pire directement des « peintures sur le sol », le motifs réalisés à même le sol pour les grandes cérémonies.
Le style de Johnny, comme celui d’autres artistes de sa communauté, se joue entre figuratif et abstraction. Parfois, les motifs traditionnels — symboles, lignes, points, formes circulaires — se mêlent à des compositions plus larges, où la couleur, l’espace, le geste prennent une grande importance. On y trouve une forte sensibilité au territoire : à la couleur du ciel à l’aube ou au crépuscule, à la lumière sur la terre rouge, aux contrastes entre ombre et lu mière, à la saison des pluies qui transforme le paysage. Le rythme du pin ceau, le rythme des couches de peinture, la texture, deviennent autant de fa çons de rendre perceptible ce territoire — pas seulement en tant que paysage, mais comme un “lieu vivant”, habitée par les esprits, les forces, les ancêtres. Johnny peint non seulement pour représenter, mais aussi pour participer : dans le rituel, dans la mémoire, dans la responsabilité. Les œuvres sont à la fois des objets visuels, des porteurs de tradition et des ponts entre le passé et le présent. Elles invitent celui qui regarde à percevoir non seulement la beauté formelle (la richesse des couleurs, la force des contrastes, la composi tion) mais aussi l’histoire, le respect, la relation.